Comprendre le potentiel énergétique des eaux grises
Dans le secteur du bâtiment et plus particulièrement dans le cadre de la rénovation énergétique, l’optimisation de l’usage de l’énergie est un enjeu majeur. Parmi les solutions innovantes qui émergent pour améliorer la performance énergétique des logements, la récupération de chaleur sur les eaux grises se distingue par son efficacité et sa pertinence environnementale.
Les eaux grises désignent les eaux usées domestiques issues des douches, lavabos, baignoires et lave-linge (à l’exception des eaux des toilettes appelées eaux noires). Ces eaux, bien que considérées comme usées, contiennent encore une quantité significative d’énergie thermique, souvent à une température comprise entre 30 et 40 °C, qui est habituellement perdue dans les canalisations.
La récupération de chaleur sur eaux grises permet de capter cette énergie pour préchauffer l’eau froide entrante des systèmes de production d’eau chaude sanitaire (ECS), réduisant par conséquent la quantité d’énergie nécessaire pour chauffer l’eau à la température désirée.
Comment fonctionne un système de récupération de chaleur sur eaux grises ?
Le principe de fonctionnement est relativement simple. Un échangeur thermique, souvent en cuivre ou en acier inoxydable, est installé directement sur l’évacuation des eaux usées tièdes, typiquement à la sortie de la douche. L’eau usée, encore chaude, circule d’un côté de l’échangeur, tandis que l’eau froide d’alimentation du chauffe-eau passe de l’autre côté. Grâce à ce transfert thermique, l’eau froide gagne plusieurs degrés avant d’arriver dans le chauffe-eau ou la chaudière, nécessitant ainsi moins d’énergie pour atteindre la température souhaitée.
Il existe plusieurs configurations de systèmes :
- Systèmes à échangeur vertical, souvent installés sous une douche en étage
- Systèmes à échangeur horizontal, adaptés aux logements de plain-pied
- Systèmes à stockage thermique, qui récupèrent la chaleur de l’ensemble des eaux grises de la maison
Un gain énergétique significatif
L’un des principaux avantages de ces dispositifs est leur capacité à réduire la consommation d’énergie pour la production d’eau chaude sanitaire. Selon l’ADEME (Agence de la Transition Écologique), la production d’eau chaude représente en moyenne 12 à 15 % de la consommation énergétique totale d’un logement. En récupérant la chaleur des eaux grises, il est possible de réduire cette consommation d’environ 25 à 40 % selon le système installé et les habitudes des occupants.
Le retour sur investissement peut être relativement rapide, généralement compris entre 5 et 10 ans, en fonction du coût du système, de son installation et des économies réalisées. Le gain est d’autant plus significatif dans les logements fortement consommateurs d’eau chaude, comme les foyers nombreux ou les logements collectifs.
Un dispositif éligible aux aides à la rénovation énergétique
Depuis l’entrée en vigueur de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV – loi n° 2015-992 du 17 août 2015), les pouvoirs publics encouragent les solutions innovantes pour améliorer l’efficacité énergétique. Les systèmes de récupération de chaleur sur eaux grises sont souvent intégrés dans les travaux de rénovation globale et peuvent, sous certaines conditions, être éligibles à plusieurs dispositifs d’aides :
- MaPrimeRénov’ : si intégrés dans un bouquet de travaux d’amélioration énergétique (source : service-public.fr)
- Éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ)
- Certificats d’Économie d’Énergie (CEE), notamment via les fiches BAT-TH-139 ou BAT-EQ-127 selon les systèmes installés
- Aides locales des collectivités territoriales, souvent accessibles en complément des dispositifs nationaux
Il est recommandé de faire appel à un professionnel certifié RGE (Reconnu Garant de l’Environnement) pour bénéficier de ces aides.
Les conditions techniques d’installation
La performance d’un système de récupération de chaleur dépend étroitement des conditions d’installation. Les meilleures configurations sont généralement observées lorsque l’échangeur est placé le plus près possible de la source d’eau grise (par exemple, directement sous la douche). Cela permet de limiter les pertes thermiques et d’optimiser le rendement.
Dans les maisons individuelles, l’installation est souvent plus simple à intégrer, notamment dans les constructions neuves. En rénovation, certaines contraintes structurelles liées à l’évacuation existante peuvent rendre l’installation plus complexe, mais pas impossible. Les logements collectifs, quant à eux, peuvent intégrer ces systèmes à plus grande échelle, avec des modèles centralisés au niveau de la colonne d’eau usée principale.
Impacts environnementaux et économies d’eau chaude
Outre les économies financières, la récupération de chaleur sur eaux grises participe à la réduction de l’empreinte carbone des logements. En diminuant le recours aux énergies fossiles pour la production d’eau chaude, cette technologie s’inscrit dans une démarche de sobriété énergétique conforme aux objectifs de la Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC).
En évitant de devoir chauffer autant l’eau sanitaire, le foyer réduit indirectement ses émissions de gaz à effet de serre. Cette mesure, combinée à d’autres travaux comme l’isolation thermique ou le remplacement de systèmes de chauffage inefficaces, permet de se rapprocher d’un logement à basse consommation ou passif.
Les fabricants et fournisseurs de solutions de récupération de chaleur
Plusieurs fabricants se sont spécialisés dans les systèmes de récupération de chaleur sur eaux grises. Parmi les entreprises les plus reconnues sur le marché français, on peut citer :
- DWHR France : spécialiste des échangeurs verticaux en cuivre passif
- Recoh : fabricant de systèmes compacts pour logements individuels
- SHARC Energy : solutions plus lourdes pour le tertiaire et les logements collectifs
- Almatec : proposant des systèmes adaptés à la construction neuve
Ces fournisseurs proposent des produits certifiés qui répondent aux critères techniques exigés pour l’éligibilité aux aides à la rénovation énergétique. Il est impératif de vérifier que le matériel est bien conforme aux normes en vigueur (notamment la certification CSTB ou un avis technique favorable du CSTB).
Le choix du fournisseur, de même que le dimensionnement du système, doit être effectué avec l’aide d’un expert en performance énergétique ou d’un bureau d’études thermiques. Une bonne étude préalable garantit une rentabilité optimale du dispositif.
Un levier complémentaire pour la rénovation énergétique performante
La récupération de chaleur sur les eaux grises s’impose comme une solution éco-efficace permettant de réduire la consommation d’énergie liée à la production d’eau chaude sanitaire, souvent négligée dans les bilans thermiques classiques. Grâce à sa simplicité de fonctionnement, sa fiabilité et son impact environnemental positif, cette technologie émerge comme un complément pertinent aux solutions classiques de rénovation énergétique (isolation, changement d’équipements, ventilation performante, etc.).
Elle s’intègre particulièrement bien dans les projets visant l’atteinte des niveaux de performance exigés par la RE2020 pour les bâtiments neufs et s’anticipe dès la phase de conception. Pour les bâtiments existants, elle trouve pleinement sa place dans les rénovations ambitieuses menées dans le cadre du dispositif “BBC rénovation”.
En choisissant d’intégrer un système de récupération de chaleur sur eaux grises, les particuliers et les professionnels du bâtiment participent activement à la transformation énergétique du parc immobilier français, tout en maîtrisant durablement leurs factures énergétiques.